Cezanne à Médan

Ami d’enfance de ZOLA, Paul CEZANNE fait de nombreux séjours chez l’écrivain dès l’acquisition en 1878 de sa maison à Médan.
Très tôt le matin, le peintre utilise la barque dénommée « Nana » pour traverser la Seine située au bout du jardin. Il plante alors son chevalet sur la rive opposée et, dès 1879, réalise sur le motif une aquarelle aujourd’hui conservée au Kuntzhaus Museum de Zurich.

Voici ce qu’en dit le catalogue raisonné des Musées de France :

« L’aquarelle « Le château de Médan » est l’une des rares oeuvres parfaitement abouties de Cezanne dans cette technique à pouvoir être associée d’aussi près à une toile, ce qui explique sans doute pourquoi elle a presque toujours été décrite comme une étude préparatoire pour le tableau de Glasgow qui porte le même titre…
Cezanne travaillait donc presque toujours simultanément sur plusieurs niveaux et cherchait des techniques et des supports différents pour poursuivre ses explorations. Il se peut aussi que, dans cette aquarelle apparemment libre et spontanée, il y ait d’avantage de préméditation et de résolution complexes que l’on ne pourrait l’imaginer à première vue, et que, dans la toile, à l’inverse, il y ait beaucoup d’esprit ludique dans la réalisation. »

Un an plus tard, c’est l’huile sur toile que Cezanne peindra à partir du même site. Elle se trouve conservée au musée Art Gallery de Glasgow après avoir appartenu à Paul Gauguin qui l’aurait achetée au Père Tanguy, marchand de couleurs où s’approvisionnaient les deux peintres.

John Rewald rapporte l’anecdote contée par Gauguin qui… la tenait de Cezanne lui-même :

« Cezanne peint un rutillant paysage, fond d’outremer, verts pesants, ocres qui chatoient ; les arbres s’alignent, les branches s’entrelacent, laissant cependant voir la maison de son ami Zola (Il s’agit en fait du château de Médan, la maison de Zola était beaucoup plus à droite) aux volets vermillon qu’orangent les chromes qui scintillent sur la chaux des murs. Les véronèses qui pétardent signalent la verdure raffinée du jardin et en contraste le son grave des orties violacées, au premier plan, orchestre le simple poème. C’est à Médan.

Prétentieux, le passant épouvanté regarde ce qu’il pense être un pitoyable gâchis d’amateur et, souriant professeur, il dit à Cezanne :
– « Vous faites de la peinture.
– Assurément, mais si peu…
– Oh, je vois bien : Tenez, je suis un ancien élève de Corot et si vous voulez me permettre, avec quelques habiles touches, je vais vous remettre tout cela en place. Les valeurs, les valeurs, il n’y a que ça. »

Et le vandale impudemment étale sur la rutilante toile quelques sottises. Les gris sales couvrent les soieries orientales.
Cezanne s’écrie :
« Monsieur, vous avez de la chance, et faisant un portrait vous devez sans doute mettre les luisants sur le bout du nez, comme sur un bâton de chaise. »
Cezanne reprend sa palette, gratte avec le couteau toutes les saletés du Monsieur. »

Au cours de la visite du château sont présentées les reproductions grandeur nature des 5 oeuvres impressionnistes peintes à Médan dont les originaux ont hélas quitté la France.